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L’avenir appartient-il encore au transport aérien ?

L’avenir appartient-il encore au transport aérien ?

Mises à l’arrêt par la crise du coronavirus, les compagnies aériennes vivent depuis un an dans l’incertitude d’une reprise des voyages en avion. Et à l’heure du développement durable, la crise sanitaire se double d’une crise de confiance. L’impact sur le climat du transport aérien pose question. Quelles sont les perspectives de reprise ? A quoi ressemblera l’avion du futur ? Voici mon tour d’horizon du ciel.
353 milliards d'euros de manque à gagner pour le secteur aérien en 2020
C’est une baisse de 66% du trafic aérien

Le transport aérien cloué au sol par la crise COVID-19

Si vous levez les yeux au moment où vous lisez ces lignes, vous ne verrez sans doute pas d’avion dans le ciel. Inhabituel ? Pas depuis mars 2020 et le début de la crise sanitaire. Le trafic aérien de passagers a chuté de 66% en 2020 selon l’IATA, l’Association Internationale du Transport Aérien. Ce sont 2 avions sur 3 qui ne volent plus. et si les chiffres restent incertains pour l’année en cours, un constat se profile : on ne retrouvera pas le niveau d’avant-crise avant plusieurs années. 

Compagnies aériennes : Survivre, c’est gagner

En 2020, 40 compagnies aériennes se sont retrouvées en faillite. LATAM, la première compagnie sud-américaine, a été placée sous la protection de la loi des faillites des USA,. Elle a été contrainte de céder ses 17 Airbus A350. Un autre exemple : Lufthansa a supprimé une quarantaine d’appareils de sa flotte, alors que sa filiale Germanwings n’a pas survécu à la crise. 

Mais alors, quelle sera la carte du ciel après la crise ? 

Michel Durrieu, qui a co-écrit  L’Après – Tourisme et Humanité, estime que les grandes compagnies seront protégées par leur états : “Les raisons sont évidentes, c’est l’indépendance politique et les équilibres diplomatiques, le poids économique et social, le nombre d’emplois qu’elles représentent, mais aussi les garanties qu’elles apportent.” 

Les faits lui donnent raison. Début Avril, l’état français et le conseil d’administration d’Air France – KLM annonçaient un plan de recapitalisation de 4 milliards d’euros.

Toutes les compagnies aériennes ne bénéficieront pas des mêmes conditions.  Afin de sortir au mieux de la crise, elles auront besoin de coûts fixes minimum, d’un niveau d’endettement bas et une prédominance de vols court et moyen courrier. À ce petit jeu, ce sont les low costs court et moyen courrier qui risquent de s’en sortir le mieux. 

 “Croyez-moi, nous serons les premiers à redécoller en Europe.” assure Jason McGuinness, le directeur commercial de Ryanair

Les risques de l’effet domino sur le tourisme

L’onde de choc de la crise du transport aérien sera difficile à maîtriser. 

Une compagnie en difficulté est un handicap pour l’alliance à laquelle elle appartient, elle peut fragiliser l’activité aéroportuaire d’une destination et le carnet de commandes d’Airbus et Boeing, sans parler de l’impact social et humain.

Si une destination n’est plus desservie par les airs, elle perd une partie de ses visiteurs, et de ses revenus. Quand les compagnies aériennes ne bénéficient plus des marges confortables du tourisme d’affaires, le risque d’une augmentation des prix est réel. 

L’aérien est une composante majeure de l’écosystème touristique, et son avenir est clé pour la reprise de l’activité.

La reprise du transport aérien, pas si simple

Le calendrier de déconfinement, annoncé ces derniers jours par Emmanuel Macron, a permis de relancer la machine des réservations de voyage. 

Ce rebond est d’abord une bonne nouvelle pour le tourisme. Il corrobore les tendances observées dans les pays où la vaccination est plus en avance comme Israël ou les Emirats Arabes Unis. Dans sa dernière étude Travel Insights, Travel Audience montre que la demande pour les voyages en avion à l’international a bondi de 36% dans ces deux pays à la fin du premier trimestre.

Alors pourquoi s’inquiéter ? La crise sanitaire n’aurait été qu’une parenthèse douloureuse avant un retour programmé à la normale ? Pas si simple.

Trois raisons au moins expliquent pourquoi la reprise du secteur aérien sera un long chemin :

  • Les destinations proches resteront la priorité des voyageurs cet été, et la reprise à l’international prendra plus de temps. Je parle de cette tendance dans mon article : Tourisme, les 8 tendances à suivre en 2021
  • Les voyages d’affaire, aujourd’hui à l’arrêt, vont mettre des mois à reprendre un rythme normal. Le MICE continuera à vivre en grande partie en distanciel l’année 2021. Par exemple, le salon Wine Paris & Vinexpo sera virtuel en Juin 2021. Selon une étude Oxford Economics à l’échelle européenne, il faudra attendre 2023 pour enregistrer le même nombre d’événements qu’en 2019, 2024 pour le nombre de participants et même 2026 en ce qui concerne les recettes.
  • L’incertitude pèse sur l’avenir d’un nombre conséquent d’entreprises du secteur. Des routes aériennes pourraient être réduites ou mises à l’arrêt post-covid.

Mais au-delà de la crise sanitaire et de ses effets, une quatrième menace plane sur l’aérien. Son image est ternie par son empreinte carbone. Alors qu’une prise de conscience globale est à l’ordre du jour, l’avion peut-il survivre à l’enjeu climatique ?

Avec l'urgence climatique, l'avion perd de sa désirabilité
Julien Blanc-Gras vient de publier son dernier livre Envoyé un peu Spécial chez Stock

L’avion peut-il survivre à l’enjeu climatique ?

Si la crise sanitaire a eu un effet bénéfique, c’est de mettre en exergue les questions environnementales. L’humain post-covid se veut plus conscient, plus responsable. Il cherche à avoir un impact positif dans sa consommation comme dans ses voyages. 

Et sur ce point, on peut dire que l’avion a mauvaise conscience. L’aérien produit entre 2% et 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre selon les sources. 

Énergies : à quoi ressemblera l’avion du futur ?

Il ne faut pas noircir le tableau, car l’avion est moins polluant aujourd’hui qu’il ne l’était hier. On parle de 15% à 25% de gain en Co2 pour les modèles les plus récents.  Les bons élèves : l’airbus A350 et le Boeing B787. 

Conscient des enjeux, l’industrie aéronautique, qui doit réduire ses émissions carbone de 50% d’ici 2050 s’est lancée dans la course aux énergies décarbonées, avec en ligne de mire l’avion à hydrogène. 

Airbus, le 1er constructeur aéronautique mondial, a présenté fin 2020, plusieurs modèles d’avion propulsés à l’hydrogène, sous le nom de code ZEROe. Selon les premières données, ces appareils pourront transporter jusqu’à 200 passagers sur 3 500 km à partir de 2035. Véritable concentré de technologie, boosté à la maintenance prédictive et à l’IA, cet avion du futur pourrait être l’innovation clé pour l’avenir du secteur.

D’ici là, on estime que l’hydrogène “vert”, produit par électrolyse, sera devenu compétitif. Pourtant, aujourd’hui, 98% de l’hydrogène produit est dit “gris. Il ne consomme pas de CO2 pendant son utilisation mais son empreinte carbone est importante au moment de la production.

Cet avion du futur est prometteur bien qu’il présente encore certaines limites. Parmi elles : l’autonomie qui ne permet pas par exemple de traverser l’Atlantique et la date de mise en service, pas avant 2035, un délai qu’il faudra prolonger de 15 à 25 ans pour renouveler l’ensemble du parc aérien. 

Environnement : La compensation carbone à la loupe

L’avion sera peut-être neutre dans 25 ans, mais il ne l’est pas aujourd’hui. Le bilan par passager baisse, mais le trafic augmentait beaucoup plus vite avant la crise sanitaire, si bien que l’impact carbone du transport aérien a continué à croître ces dernières années.

 La montée en puissance des biocarburants ne devrait pas bouleverser la donne, puisque Elizabeth Borne, ministre de la Transition Écologique parle d’une part de 5% à incorporer dans le kérozène à l’horizon 2030. 

 C’est dans ce contexte qu’est né le mouvement Flygskam, la honte de prendre l’avion, ou également le manifeste “Stay grounded”.

Une solution moins définitive existe : la compensation carbone. Cette démarche consiste à “rembourser” ses émissions de Co2 par le financement de projets qui peuvent prendre des formes diverses. Par exemple : reforestation, restauration des écosystèmes, rénovation énergétique… 

Les fonds Livelihoods ou Atmosfair, tous deux certifiés Gold standard, constituent d’excellents choix pour tous les acteurs du tourisme, mais également pour compenser ses émissions à titre individuel. 

Les entreprises vertueuses en la matière sont rassemblées en France sour le label ATR – Agir pour un Tourisme Responsable. Ses titulaires compensent déjà a minima 100% du périmètre de l’entreprise, et à l’horizon 2025, ils devront compenser 100% du périmètre client, c’est-à-dire de leurs voyageurs. 

Lors d’une conférence #CarbonExit organisée par le collectif Respire, qui œuvre pour un tourisme plus responsable, Julien Etchantchu, consultant en développement durable chez Advito, a rappelé les limites de cette démarche de compensation. 

Selon lui, pour être plus juste, nous devrions plutôt parler de contribution. Il rappelle qu’un arbre qu’on plante met 50 ans à absorber ce qu’un voyageur a émis en quelques heures de vol. Le Co2 reste donc bien dans l’atmosphère. Il appelle avant tout à voyager moins, à voyager mieux et à faire de la compensation un dernier recours. 

Voyager plus sobrement : quelles alternatives à l’avion ?

Le 10 Avril 2021, les députés français ont voté l’interdiction des lignes aériennes intérieures dans le cas de trajet alternatif en train de moins de 2h30. Cet article de la loi climat vise à réduire les émissions de CO2 sur des trajets courte distance. 

Avec son outil comparateur de mobilité, Oui SNCF cherche d’ailleurs à démontrer sa supériorité pour ce type de parcours. Ce comparateur compile la data  pour évaluer non seulement les moyens de transport les plus propres, mais également le temps de trajet et le temps dit “utile”, ce qui permet par exemple d’imaginer le temps disponible pour travailler, écrire un article de blog ou préparer ses prochaines vacances. 

Comparateur Oui SNCF Paris Marseille
Les résultats du comparateur Oui SNCF pour un trajet Paris-Marseille

Certains voyagistes vont plus loin, et démontrent que le train peut aussi être une alternative sur des trajets vers l’Europe. Nomade Aventure, par exemple, propose l’aller-retour en train pour un grand nombre de ses itinéraires sur le continent. 

Même aux Etats-Unis, le train a désormais la côte. Joe Biden a annoncé un plan de 80 milliards de dollars pour le train, avec l’objectif de 60% de voyageurs supplémentaires d’ici 2035. 

On ne peut pas évoquer les alternatives à long terme sans parler de l’hyperloop. Ce projet, lancé par Elon Musk en 2012, pourrait révolutionner la vitesse des transports terrestres. Installés dans des navettes poussées à plus de 1000km/h dans des tubes sous-vide, nous pourrions dans quelques années rallier les centres villes de Los Angeles et San Francisco en 30 minutes, ou de Paris et Berlin en 1h30. 

L’hperloop pourrait être certifié en 2023, et les premiers chantiers démarrer dès 2025. Cependant, toute l’infrastructure est à créer. En France, on pourra compter sur HyperloopTT, qui a installé son centre R&D à Toulouse, et le franco-canadien Transpod pour faire avancer cette technologie.

L’enjeu pour le futur : les mobilités

Au-delà de du transport aérien, un grand enjeu pour l’avenir est celui des mobilités au sens large. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué aux transports a d’ailleurs annoncé le 8 Avril  la création de l’Agence de l’Innovation pour les Transports (AIT). Cette agence aura pour but d’associer les acteurs du transport, de l’énergie et du numérique pour inventer les mobilités de demain. 

L’élan technologique sur les mobilités, porté par la Smart City, permet d’imaginer une vraie révolution dans les décennies à venir sur tous nos modes de déplacement. 

Au-delà de son rôle actuel, l’aérien pourrait d’ailleurs s’inviter dans notre quotidien. Les voitures volantes ne sont plus un délire de film de science fiction. Elles existent. Portés par la convergence inédite de nouvelles technologies, les eVTOLs (pour Electric Vertical take-off & Landing vehicle, ou en français Véhicule électrique à décollage et atterrissage vertical) sont aujourd’hui une réalité.

Sur ce marché, on pourra compter sur des startups comme Kitty Hawk ou Vertical Aerospace, les géants de l’aéronautique Airbus, Boeing ou le constructeur d’hélicoptères Bell, et les grands de la tech. Uber, très engagé jusque-là, a fait un pas de côté, en choisissant en décembre dernier de céder son projet Uber Elevate et de le financer en externe via un partenariat avec Joby Aviation, mais les premiers taxis volants pourraient quand même voler dès 2023 au-dessus de Los Angeles et Dallas. Restent à résoudre quatre problématiques : le prix, la sécurité, le bruit…. et l’empreinte énergétique.

Pour aller plus loin, ils s’intéressent aussi à l’avenir du transport aérien :

Photo de couverture : Leio McLaren – Unsplash

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